Epilogue honteux d’une belle histoire
Tout commence en 1989 pour mon ami Claude DAOUT par un coup de coeur lorsqu’il reconnaît dans l’épave qui sert de brise-lames à l’école des scaphandriers, le navire sur lequel il avait servi comme matelot. La DIVES est en triste état.
Nombreux sont les membres du club qui sont venus au modélisme, pour reproduire des avions, des trains, des automobiles, des maisons, des outils agricoles, ou comme moi des bateaux militaires sur lesquels ils ont volé, été conducteurs, pour y avoir habité, travaillé ou navigué. Ces véhicules, constructions, objets, navires anciens font partie d’un patrimoine dit historique censé être protégé. Ce qui suit vous prouvera le contraire.
Tout commence en 1989 pour mon ami Claude DAOUT par un coup de coeur lors d’un passage touristique à SAINT-MANDRIER. Dans l’épave qui sert de brise-lames à l’école des scaphandriers, il reconnaît le navire sur lequel il avait servi comme matelot pendant son service militaire avant de devenir pilote dans l’aviation civile. Le Bâtiment de Débarquement de Chars DIVES est en triste état.
Accessoirement il est utilisé comme poubelle flottante avant de partir à la casse. Tous ses équipements ont été enlevés, le moindre bibelot offrant un peu de valeur pillé, des vandales ont même détruit les sanitaires à coup de masse…… Pourtant mon camarade décide de le sauver car il a son idée pour mettre à profit les capacités de logement en véhicules et personnels du hangar de cette péniche de 102 mètres de long. En effet, Claude est collectionneur d’engins militaires de la seconde guerre mondiale qu’il fait fonctionner après une complète restauration. C’est ainsi qu’il dispose des principaux matériels qui équipaient les divisions blindées de l’armée américaine en 1944 : de la célèbre JEEP au fameux char SHERMAN en passant par des camions G.M.C et DODGE, auxquels s’ajoutent des pièces telles que différentes versions de HALF- TRACK, SCOUT-CAR ou Autos Mitrailleuses M8. Le navire conçu initialement pour le transport et débarquement de véhicules sur une plage abritera le club fondé par d’autres passionnés de la deuxième DB du Maréchal LECLERCQ utilisateurs de sa collection .
Après avoir surmonté les obstacles de l’hostilité au projet de certains, le scepticisme de la marine inquiète de son image de marque, en jouant de ses relations puis en bénéficiant du soutien d’amiraux séduits par l’idée originale, Claude obtient une cession du navire pour un franc symbolique. Plusieurs tonnes d’ordures ou de débris sont évacuées du bord par les membres de l’association afin que la carcasse soit remorquée dans un coin isolé de l’arsenal de TOULON. Là, DAOUT multiplie ses contacts, beaucoup d’officiers mariniers l’aident plus ou moins officiellement, bénévolement des ouvriers participent à certains travaux de récupération de pièces courantes sur des bâtiments désarmés, petit à petit le navire change d’aspect. La location de la collection de véhicules à des firmes cinématographiques permet la continuation du financement de la restauration. Quittant la région parisienne Claude et son épouse s’installent à bord, ils aménagent le carré des officiers en bureau, la cabine du commandant en appartement pour être sur place, ils font avancer plus vite les choses. Un Amiral en retraite (une grande figure de la marine) trouve l’occasion de favoriser la réinsertion par le travail en semi-liberté de jeunes délinquants volontaires en instituant à bord, des chantiers encadrés par des sous-officiers de différentes armes et de la Gendarmerie . (L’expérience se révélera concluante pour les jeunes puisqu’elle prendra à leur demande par la suite une dimension nationale).
Finalement, fraîchement caréné le bâtiment en remorque traverse la rade pour s’échouer perpendiculairement à la plage de la pointe du MOURILLON près de la tour Royale. Portes ouvertes, rampe d’accès déployée pour recevoir ses premiers visiteurs, le tas de ferraille est redevenu la DIVES. Les débuts sont timides (15000 entrées). Cependant rapidement le nombre de visiteurs augmente, permettant la restauration de toutes les installations intérieures très particulières à ce type de bateau. Outre les locaux de l’équipage, des dortoirs, une cuisine, des locaux de repos pour les troupes embarquées jouxtent le hangar des véhicules sur toute la longueur des flancs du navire par exemple. Ce sont ensuite les embarcations de servitude qui sont remises en service (deux LCVP), véritable exploit de diplomatie, la remise en place des tourelles de canons de 40 millimètres marque une étape importante de la nouvelle vie du B.D.C. La machine est remise peu à peu en état, le local radio est rendu opérationnel, les radars remis en route…. au fil des ans, au prix de beaucoup de sacrifices, d’efforts bien sûr.
Quatre ans déjà, invité sur le bateau, je trouve mon copain heureux, les mains dans la graisse il termine le réglage d’un blindé PANHARD venu augmenter le parc roulant de l’association en plein essor. Les visiteurs sont nombreux, la marine satisfaite hiverne le navire dans l’arsenal à la morte saison, la ville de TOULON n’est pas mécontente de cette opération qui lui procure un bateau musée pour pas cher. La presse locale et la revue Cols Bleus font des articles élogieux, en clair l’affaire est maintenant belle, au point d’ailleurs de provoquer sa perte….
En effet, devenu musée le BDC change de statuts. D’ancien navire militaire il se transforme en édifice où le public est admis. Certains bien pensants aux pures et désintéressées intentions décident de prendre les choses en main. La commission de sécurité de la Marine Nationale est écartée, et l’organisme qui prend sa suite assassine littéralement la DIVES en toute innocence. C’est ainsi par exemple que les extincteurs neufs et matériels incendie (identiques à ceux en service sur les bâtiments de combat actuels) mis en place par les pompiers de la Royale ne répondent pas aux normes voulues à terre dans le civil même si elles leur sont supérieures. Résultat il faudrait tout changer. Les machines ainsi que les échelles, les coursives du navire ne sont pas accessibles aux handicapés en fauteuil roulant comme le voudrait la législation des édifices publics, alors des travaux de mise en conformité sont demandés, quitte à dénaturer totalement le vieux bateau. La fourniture de courant par les moyens du BDC est proscrite. Enfin, obligation est faite d’enlever l’amiante à l’intérieur des moteurs même si cela ne présente aucun danger pour les visiteurs qui passent à plusieurs mètres. La facture astronomique présentée est sans commune mesure avec les ressources de Claude DAOUT, pas plus que celles des associations concernée. Le bateau coule les rats se sauvent…. La ville très vite adopte un profil bas : elle exprime ses regrets de ne pouvoir pas donner la moindre subvention pour sauver la péniche de débarquement.
L’exploitation arrêtée, c’est la mort dans l’âme que DAOUT rend la DIVES à la marine, qu’il constitue à ses frais un convoi ferroviaire pour rapatrier ses véhicules sur des locaux de la région de Versailles en attendant des jours meilleurs. Quant au bateau, après quinze ans de sursis, il rejoint son mouillage initial à SAINT MANDRIER où la rouille lui fait subir ses attaques. Dans quelques temps, l’ex DIVES sera remorquée pour servir de cible aux missiles ou bombes de l’aéronavale. Cette triste fin après tant d’efforts m’inspire comme morale de l’histoire ce petit pamphlet :
Pour de nos puissants obtenir intérêt et soutien,
Mieux vaut s’occuper d’objets d’art dits « premier »
Car plus en faveur chez nos grands politiciens
Que les reliques de notre patrimoine « guerrier ».
Comme il est triste de voir notre passé maritime,
Servir de cible à d’implacables modernes missiles,
Puisqu’en France, jamais cœur et raison ne priment
Face à de rigoureuses réglementations imbéciles.
De notre pays, bien des nations peuvent s’amuser,
A nous voir ainsi détruire sauvagement à coup de canons,
La restauration d’une coque grise devenue musée,
Elles ne peuvent manquer de nous prendre pour des c…
La maquette d’un B.D.C identique, la BIDASSOA rejoindra bientôt l’escadre Marine Nationale au 1/100e, la motorisation restant seulement à terminer.
René Lavolé