Harbinger, projet club: utopie ou réalité ?
Dans le microcosme planeuriste de la section aéro du MCCR, le projet de construction d’un planeur rétro tout bois à pris corps après maintes discussions et quelques bières. Les auteurs de ce projet, Bernard LAPLANCHE, le préposé à la découpe CNC, Olivier LEPAPE, le concepteur « maquette » des aéro freins, Jean Michel MARDELET, qui se verra confier la réalisation du moule de la verrière et Michel MALABAT, constructeur du premier modèle en état de vol. Initialement, 4 planeurs devaient être fabriqués.
Avant de se lancer dans une construction effrénée, le choix du type de planeur ne fut pas évident à définir. Par contre, il y avait un critère de sélection impératif, c’était la date de construction du réel qui devait être antérieure à 1960 pour espérer participer à la grande rencontre annuelle Rétroplane dont c’est l’un des points du réglement. Bien sûr, chacun y va de son petit coup de cœur : les ailes en mouettes, c’est beau. Oui, mais c’est pas facile à construire. Ou cet autre là est bien joli avec ses ailes à grand allongement, seulement il n’y a pas de plan, et on se voit mal le tracer nous même. Après moultes recherches, nous dénichons l’oiseau rare qui met tout le monde d’accord. Ce sera un Harbinger à l’échelle 1/6,2 soit 2,95m d’envergure. Il a une belle ligne ce planeur, avec un fuselage ovoïde, une verrière bi-place et sa voilure bien particulère en forme de W à plat qui lui donne l’air d’avoir des ailes de mouette lorsqu’il est en vol.
Quelques mots sur le réel : les études ont été lancées vers 1946 et un prototype a vu le jour en 1947 sans être achevé, l’aérodynamique ayant considérablement évoluée, cette machine était obsolète avant même d’avoir volé. La construction reprendra dans les années 70 et le planeur volera en 1975. Un deuxième appareil sera construit. L’un est exposé au musée de Montréal au Canada et le second en Angleterre. Le premier a totalisé 25 heures de vol et a démontré de bonnes qualités voilières, mais son concept était dépassé.
Retour à la maquette. Avantage non négligeable, le plan existe et de plus, j’ai pu obtenir les fichiers DXF ce qui a permis de réaliser la découpe de tous les couples et nervures avec la nouvelle fraiseuse numérique installée au club depuis peu. Merci à Olivier pour ce don et à Bernard qui a eu en charge l’usinage de toutes ces pièces pour 4 planeurs. Quel boulot !
Après quelques retouches du plan (les fichier DXF en fait) les premiers couples « tombent ». Ils ont été façonnés dans du CTP ordinaire afin de valider le concept. L’assemblage est réalisé sans colle et c’est fabuleux car tout se tient. La précision des découpes est redoutable. Quand on y a gouté, il est difficile de s’en passer. La seconde phase de la construction va donc pouvoir commencer. Tous les couples et nervures vont être façonnés dans du CTP de bouleau ou « aviation » selon leur fonction, et balsa de différentes épaisseurs. Le chantier de construction est prêt, alors on y va par l’image.
Assemblage des couples, des lisses et montage provisoire de la dérive. Tout s’ajuste impecablement :
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Entoilage des empennages au Diacov.
Le fuselage est coffré en balsa de 3mm mouillé et pré cintré sur un gabarit avant collage sur les couples, puis ponçage, mastiquage, ponçage ect ect …
Construction des ailes
Sur un chantier bien plan, le coffrage d’intrados est fixé à l’aide d’épingles et le longeron collé à la colle blanche. Ensuite toutes les nervures alignées et collées, le longeron supérieur, les différents renforts mis en place et le coffrage d’extrados vient coiffer le tout. Pose des goussets et chapeaux de nervures et on termine par un bloc balsa pour le saumon. Les ailerons sont construits à part puis viennent se poser avec des charnières à axe métal.
L’aile est munie d’aéro frein intrados/extrados pivotants sur un axe et actionnés par un servo inséré entre les longerons. Les palettes sont réalisées en plaque d’époxy 15/10 ème et montés sur roulements de 3mm, inséré dans un boitier en CTP 20/10 ème, relié au servo par un bras en époxy. La mise au point du système a été long et fastidieux, mais le résultat est à la hauteur des espérences.
De dimension modeste, ces AF sont néanmoins efficaces (voir essais en vol)
Les ailes sont finement ponçées, puis entoilées au Diacov.
Retour sur le fuselage pour la préparation du cadre de verrière réalisé en baguette de samba et contre plaqué pour les parties courbes. La canopy est thermoformée dans une feuille de plastique de 1mm puis découpée et collée/clouée sur le cadre. Les tenons de fermeture sont ajoutés puis les fenêtres d’aération découpée et agrémentées de petits accessoires donnant vie au modèle. |
L’ensemble du fuselage est marouflé à la soie, posée à l’enduit nitrocellulosique. Trois couches d’enduit entrecoupés d’un ponçage fin sont nécessaire pour donner un beau fini glacé avant peinture. La pose de la soie est bien plus facile que les films thermorétractables, car elle épouse parfaitement les galbes du fuseau.
A ce stade de la construction, une mise en croix s’impose pour voir à quoi ressemble la bête une fois assemblée.
Quelques détails sont ajoutés tel le tube de pitot et le patin d’atterrissage:
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La construction se poursuit par l’aménagement du poste de pilotage, ou plutôt des postes car c’est un bi place en tandem, ce qui veut dire 2 sièges, 2 tableaux de bord ect… et ça prend énormément de temps. Mais quel plaisir de voir tous ces petits détails remplir le cockpit.
Avec une telle verrière, pas question de laisser la cabine vide, rien de plus laid que de voir voler un modèle sans personne à bord. Deux pilotes sont confectionnés à l’aide de quelques bouts de CTP pour le corps, et les membres en fil de cuivre garnis de mousse pour donner du volume. Les têtes, les mains et les chaussures sont réalisés avec une pâte à papier, sculptés puis peints. Les figurines sont ensuite habillées selon l’humeur du moment, avec des chiffons récupérés sur des vieux vêtements, puis fixés sur les sièges à l’aide d’une vis à bois.
Après des mois de labeur, le modèle est enfin prêt à recevoir la peinture. C’est une glycérophtalique satinée dont la teinte a été faite sur mesure et appliquée au pistolet par un professionnel. Mais au préalable, il faut masquer et bien protéger toutes les parties non peintes. C’est très long, mais ça en vaut la peine.
Puis viennent les inévitables réglages, tel le centrage. Pas moins de 400gr de plomb dans le nez pour l’équilibrer. Gloups … ça parait beaucoup, on verra bien avec les essais en vol. La programation de la radio et le réglage des débattements des gouvernes sont effectués finement en atelier, au calme en prenant son temps. Il ne faut surtout pas négliger toute cette préparation qui conditionne le « confort » de pilotage, la sécurité du modèle en dépend.
Maintenant, le Harbinger est prêt à rejoindre son élément.Le premier vol se fera en Irlande lors de la rencontre Rétroplane, sur les pentes du Mont Leinster.
Un an et demi après les premières découpes, le Harbinger a enfin pris son envol par une journée assez venteuse. Le vol est un peu rapide et surtout, il faut vraiment piloter 3 axes, beaucoup de dérive pour les virages et controler l’inclinaison aux ailerons.
L’oiseau est magnifique en vol et je ne regrette absolument pas toutes ces heures passées à l’atelier. Quel plaisir de voir évoluer devant soi le fruit de son labeur et qui fait revivre des machines d’une autre époque, pourtant pas si lointaine.
A l’atterrissage, les aéro freins (on devrai plutôt dire « les destructeurs de portance) ne sont pas d’une efficacité redoutable en terme de freinage, par contre, l’altitude chute rapidement, ce qui tend à prouver du bien fondé de leur utilisation pour se rapprocher du sol plus rapidement.
L’ébauche du projet a été entamée début 2008, et à ce jour, 21/10/2010 1 seul exemplaire a été finalisé. Il a participé à 2 rencontres Rétroplane, 2009 en Irlande, 2010 à la Wasserkuppe en Allemagne et 1 concours maquette à Mâcon ou il a remporté la meilleure note du statique. |
Deux autres planeurs sont en cours de fabrication et nul doute que leurs constructeurs mèneront ce projet à terme. C’est tout le plaisir que je leur souhaite.
Tentez l’expérience, vous ne serez pas déçu, mais armez vous de patience.
Michel MALABAT