Visite du porte-avions Charles de Gaulle
C’est par une belle journée, comme il y en a souvent sur les bords de la Méditérannée, que nous nous retrouvons à quelques un devant l’entrée principale de l’arsenal à Toulon.
Le but de ce voyage est la visite du porte avions nucléaire Charles de GAULLE.
(cliquez sur les photos pour les agrandir)
L’affaire a commencé au salon du modélisme de la Porte de Versailles à Paris en 2004 lorsque le thème nous a été dévoilé pour l’année suivante : les avions de l’aéro-navale de toutes les époques. Après mûre réflexion, mon choix s’est porté sur le Grumman E2C Hawkeye, un bi-moteurs embarqué destiné à la détection radar de tout ce qui vole ou navigue. Toutes les informations recueillies sont immédiatement transmises au PC informatique du porte-avions et traitées afin de définir la meilleure stratégie à adopter.
Le Hawkeye est un excellent sujet, peu reproduit en modélisme. Avec son énorme radôme sur le dessus, il a une « gueule » d’enfer. La construction est assez complexe et le train rentrant perso m’a causé quelques insomnies. Finalement, huit jours avant le salon, l’appareil est terminé. Vous me direz construire un avion c’est bien ; le faire voler c’est mieux. Mais où aller ? Utiliser un gymnase, il ne fallait pas y compter car la machine est trop grande et de plus je n’avais pas de salle à disposition. Le terrain de Cressely avec sa piste en herbe n’était pas utilisable non plus à cause du train rentrant trop fragile et avec cette météo de m… du mois de mai, pas question de lancer l’avion à la main. D’autant que je n’étais pas sûr du centrage. Mais les problèmes ne viendront pas de là et nous verrons celà plus loin.
Trois jours ont passé, nous sommes mercredi, la pluie et le vent sont bien présents. Le soir la météo annonce une accalmie pour le jeudi. Vite on met en charge les accus pour le lendemain. Au petit matin, tout le matériel est entassé dans la voiture, direction le Tremblay-sur-Mauldre et le terrain de l’AMCY avec sa magnifique piste en asphalte où va se dérouler le premier (et unique) essai. Arrivé sur place, un invité est présent aussi, indésirable celui-là : le brouillard. Heureusement il n’est pas trop dense et un vol (Hum) va pouvoir être tenté. En un tour de main l’avion est assemblé, un test moteur et radio effectués. Tout a l’air OK. L’avion est porté en seuil de piste, le vent commence à se lever. Il est travers piste mais ça ira tout de même. Un dernier regard au ciel et « alea jacta est » le manche des gaz est poussé à fond. La vitesse augmente rapidement, la trajectoire s’incline sur la gauche, vite contrer à droite afin de ne pas sortir de la piste ; il faudra penser à corriger la commande de la roulette avant. La vitesse de décollage atteinte, je tire doucement sur le manche de profondeur et là… stupeur, rien ne se passe. l’avion reste scotché au sol. Retour à la case départ et nouvel essai en laissant rouler plus longtemps et… même motif même punition, le bel oiseau ne vole pas. C’est la consternation. Que se passe-t’il ? la vitesse est trop faible ? les moteurs manquent de puissance ? En faît, je l’apprendrai plus tard pendant le salon, c’est l’incidence de l’aile qui est trop faible. L’ouverture des portes du salon est dans deux jours et je n’ai plus le temps d’effectuer les modifications nécessaires. L’avion fera donc des présentations au sol uniquement. Dommage.
Nous voici donc arrivés devant le poste de police de l’arsenal. Présentation des papiers d’identité au factionnaire de service qui les compare avec sa liste. Tout est OK. Nous entrons avec les voitures dont les immatriculations avaient également été fournies ; non mais, on n’entre pas comme ça dans un espace militaire. Nous garons nos véhicules à quelques encâblures et nous attendons nos guides.
Notre attente sera de courte durée, le commissaire de 1ere classe David Bales (Chef de cabinet du Commandant du CDG) nous rejoint alors que l’Enseigne de vaisseau Yannick Baylet (qui était présent au salon) arrivera un peu plus tard, bloqué par les embouteillages dans Toulon. Les présentations sont faites rapidement et nous repartons en voiture dans l’arsenal, le P A étant amarré assez loin. Enfin, au détour d’un bâtiment nous apercevons le navire. Il est là, amarré à un quai, imposant, immobile, presque endormi sous un soleil de plomb. L’endroit est isolé et entouré de grillages, il faut à nouveau montrer patte blanche pour pénétrer dans l’enceinte.
Nous voici enfin au pied de la passerelle nous permettant de monter à bord. Notre guide nous invite à pénétrer à l’intérieur de ce géant qui rapellons le fait tout de même 261,50m de long pour une masse de 40 500 tonnes à pleine charge. Nous nous trouvons dans une coursive et paradoxalement l’intérieur est assez étroit et pas très haut de plafond. Il est vrai qu’à bord la place est comptée et exploitée à fond.
Une telle visite se mérite et tout d’abord il faut gravir les escaliers sur huit niveaux de ponts et traverser d’autres coursives pour arriver à la passerelle de commandement. La vue est superbe, nous dominons le pont d’envol et une partie de la rade de Toulon. La passerelle est composée d’une multitude d’écrans d’ordinateur, sans oublier le traditionnel compas (boussole) monté sur deux axes perpendiculaires lui permettant de rester toujours horizontal quelque soit la position du navire. Mais une question nous titille tous ; comment dirige t’on la bête ? car nous avons bien cherché partout et il n’y a pas la barre à roue que l’on trouve sur tous les bateaux. Alors ??? Eh bien je n’irai pas jusqu’à dire que le CDG est un énorme jeu vidéo mais la direction de ce mastodonte est confiée à un simple joystick d’une dizaine de centimètres de haut. Surprenant non ?
Nous trouvons également en bonne place le fauteuil du Pacha, vous savez, celui qui commande le bateau. Il a à sa disposition une batterie d’ordinateurs et d’écrans multiples avec des moyens de communications dans tous les secteurs internes, externes et en prime une vue dominante sur l’aire de catapultage.
La visite se poursuit par le centre opérationnel où sont traitées toutes les informations recueillies par les différents radars de bord ou les Hawkeye. Cette salle est climatisée et ne possède aucune ouverture sur l’extérieur. De plus elle est classée top secret et nous n’aurons pas l’autorisation de faire de photos. Ce local est composé d’une quantité impressionnante d’énormes ordinateurs en tous genres installés sur des plots anti vibratoire. Tout ce qui navigue ou vole autour ou à plusieurs dizaines de kilomètres du porte avions est systématiquement repéré, épié et identifié puis retransmis aux avions en alerte qui seront catapultés en cas de menace.
Nous redescendons de quelques niveaux en parcourant un labyrinthe de coursives où nous pouvons admirer au passage l’enchevêtrement de tuyauteries et de câbles électriques qui courent en tout sens ansi que la propreté exemplaire qui règne à bord.
Nous voici de retour à l’extérieur et plus précisément sur le pont d’envol. Bigre ça paraît immense. C’est vrai, 260 mètres de long ça n’est pas rien mais quand on pense que le Rafale apponte à près de 250 km/h, il ne faut pas rater le brin d’arrêt.
Et que dire de l’Hawkeye qui lui pèse environ 25 tonnes et s’arrète à moins de 3 mètres du bout du pont avec pratiquement le nez au dessus de l’eau ? Tout ceci se passe sur la piste oblique alors que sur la partie droite à l’avant, les équipes s’activent pour les décollages. En périodes de manœuvres, il est possible d’effectuer un catapultage toutes les 35 secondes ce qui nécessite une parfaite maîtrise du trafic, le tout dans le bruit assourdissant des réacteurs poussés au maximum et le P A filant à vive allure, 25 nœuds de vent étant indispensable pour catapulter les aéronefs. Dans cette phase de vol, le pilote passe de 0 à 250 km/h en 2 secondes et encaisse 2 à 3 G, le casque bien calé sur le repose tête et les mains sur les genoux. Aussi curieusement que cela puisse paraître, le pilote laisse l’avion se propulser tout seul et il ne reprend les commandes qu’après avoir quitté le pont d’envol. A peine un appareil à-t-il quitté le pont qu’un autre se présente, ceci de jour comme de nuit. A bord, l’activité ne cesse jamais et les équipes sont constament sur le qui-vive. Selon les missions, la « population » embarquée peut atteindre 1950 personnes et 40 avions répartis dans les hangars ou sur le pont en temps de paix, 50 en cas de conflit. Afin de surveiller tout ce trafic, une sorte de tour de contrôle est aménagée sur le côté de l’ilôt central avec vue dominante sur les pistes. La encore, l’informatique est omniprésente. A tout moment si un problème survient, l’officier de quart peut interrompre le processus de catapultage et toutes les opérations reprennent à zéro après que le problème ait été identifié.
De retour de mission, les avions sont descendus par deux énormes ascenceurs dans le hangar qui se trouve sous le pont d’envol afin d’être révisés, ravitaillés et réarmés avant de repartir vers d’autres cieux. Les mécaniciens qui travaillent ici ne verront jamais le jour tout le temps que dure la campagne, chacun étant cantonné dans son secteur. Pourtant, lorsqu’un appareil apponte, tout le monde le sait à bord, du haut de l’ilôt jusqu’à la quille du navire tellement l’impact est violent.
Ainsi va la vie sur un porte avions. Celui-ci file ses 27 nœuds, propulsé par les 80 000 cv de sa machine reliée à 2 lignes d’arbres entraînant des hélices à 5 pales, l’énergie quasi inépuisable étant fournie par le réacteur nucléaire.
Nous arrivons au terme de cette visite vraiment palpitante qui a duré deux heures. Bien sûr nous n’avons pas tout vu, secret oblige mais ce fût passionnant. Si je doit formuler un regret pour notre petit groupe qui est fasciné par les avions, c’est qu’il n’y en avait aucun à bord. En effet ceux-ci avaient rejoint leurs bases en Bretagne afin de poursuivre l’entraînement des pilotes.
Il reste sans doute bien d’autres choses à voir à bord du Charles de Gaulle, nous avons peut être manqué de temps ou alors les accès étaient interdits mais quoi qu’il en soit se fût une bien belle journée que nous ne sommes pas près d’oublier. Merci à l’Aéro-Navale pour cette invitation, à nos guides David Bales et l’Enseigne de Vaisseau Yannick Baylet qui ont répondu avec beaucoup de gentillesse à toutes nos questions. Et enfin Philippe Jamet, (notre chien jaune) instigateur et organisateur de cette journée, sans qui rien n’aurait été possible. Un grand merci à lui pour son dévouement. Notre petit groupe était composé de Philippe Jamet, Jean-Claude Bourgoin, Grégory Ziétec, Sylviane et Christian Veyssière, Dominique Beauve et votre serviteur.
Retour sur le Hawkeye
Souvenez-vous, au début de l’article sur les essais en vol de cet appareil qui ne voulait pas quitter le sol ; et bien après modification de l’incidence de l’aile et raccourcissement du train principal, tout est rentré dans l’ordre et l’avion vole à merveille. Seul petit bémol, lors d’un atterrissage mal négocié, il a fait un retour sur la planète disons… un peu rude et il y a pas mal de travail pour le réparer. Mais c’était tout de même bien d’essayer et d’avoir réussi.
Alors pourquoi pas vous ?
Caractéristiques du porte avions Charles de GAULLE
- Type : COTOL
- Dimensions : L 261.50m – l 63.64m – H 75m
- Déplacement : 35 500 t . Pleine charge 40 500 t.
- Propulsion : 2 chaufferies nucléaires K 15
- 2 hélices à 5 pales fixes
- 80 000 CV (56 000kW)
- Puissance électrique : 21 400 kW
- Autonomie : illimitée. Vitesse maxi 27 nœuds
- Avions embarqués : 40 (Rafale, Super-Etendard, Hawkeye et hélicoptères)
- Equipages : 1950 hommes et femmes y compris le personnel aérien (177 officiers, 890 officiers mariniers, 883 quartiers-maîtres et matelots)
GRUMANN E-2C HAWKEYE
HAWKEYE | Le réel | la maquette |
---|---|---|
envergure | 24,60m | 1,444m |
longueur | 17,60m | 1,01m |
masse | 17 à 24t | 830 g |
vitesse maxi | 600 km/h | ? |
puissance | 2×4050 cv | 2x Twin GWS |